Journée d'étude
Regards croisés sur les dynamiques
contemporaines du conflit

Organisée par le Master en Ingénierie de la prévention et de la gestion des conflits

S’il est habituel de considérer la conflictualité – sociale – comme étant inhérente à toute société, humaine et non-humaine, encore faut-il en comprendre les ressorts. Dès lors, vouloir s’intéresser aux dynamiques contemporaines du conflit peut apparaître comme une évidence, voire un impératif démocratique indispensable. Et pourtant, à peine l’intention intellectuelle est lancée que l’objet – le conflit - tend à échapper à une définition unique et précise, ne serait-ce que parce qu’il traverse de nombreux domaines d’activité et est appréhendé sous de multiples facettes. De plus, le penser ne suffit pas, il est davantage compliqué de répondre au souhait d’agir et d’intervenir au sein des processus conflictuels, que la posture adoptée soit préventive, curative ou gestionnaire.

C’est pourquoi, dans le cadre du Master en Ingénierie de la prévention et de la gestion des conflits – une codiplomation mise en œuvre depuis 2017 entre la Haute École de la Province de Liège (HEPL) et l’Université de Liège (ULiège) – nous tentons d’éclairer le conflit par différentes approches, à la fois dans une logique de recherche scientifique mais aussi dans une perspective d’action et ce, parfois, de manière concomitante, voire contradictoire. Dit autrement, c’est sous cet angle de l’ingénierie que les regards se croisent. Cette confrontation de points de vue prend place à partir de différentes disciplines, de diverses expertises et d’investigations professionnelles variées.

Programme détaillé de la Journée 

Jean-François Bachelet est Docteur en Sociologie, Agrégé de la faculté des Sciences sociales de l’ULiège. Responsable de la cellule d’Analyse Stratégique des Universités (CASU). Enseignant récemment retraité du MIPGC et qui a participé à sa création.

Michel Bar est sociologue, maître-assistant à la HEPL et coordinateur pédagogique du MIPGC.

Petite note introductive de sens commun à propos du conflit. Ou comment la « tradition » a pensé la conflictualité et nous en apprend sur notre « modernité ». Les dynamiques anciennes se distinguent-elles fondamentalement de celles d’aujourd’hui ? Que nous disent les modalités fondamentales du conflit « d’hier » qu’il faudrait retenir ?

Vouloir présenter un bref aperçu historique et partiel de certaines approches en sciences sociales du conflit nous amènerait-il automatiquement à une certaine discorde dès qu’apparait, en front, la volonté de percevoir du nouveau et de l’inédit dans la dynamique contemporaine du conflit ?

Trois approches juridiques : des conflits aux litiges en passant par le droit, la médiation et les entreprises – Nicolas Thirion, Caroline Muraille et Damien Dessard

  • Nicolas Thirion est professeur ordinaire à la faculté de Droit, de Science politique et de Criminologie de l'ULiège. Il y assure des enseignements et de la recherche dans les domaines du droit économique et de la théorie du droit.  Il est membre de comités de rédaction de plusieurs revues juridiques (Journal des TribunauxRevue Pratique des Sociétés) et d'une revue en ligne de philosophie politique (Dissensus) ; il fait par ailleurs partie du comité scientifique de la revue Droit en contexte.

Traditionnellement, le droit serait un instrument de pacification sociale et une forme de civilisation. Il laisserait de côté la vengeance privée et la violence débridée et soumettrait la résolution des conflits à une procédure réglée et à des sanctions proportionnées. Et s’il était le résultat de luttes toujours recommencées ? Et s’il n’était qu’une arme entre les mains des dominants destinée à tenir en respect les dominés ? À côté des théories du pacte social qui s’efforcent d’évacuer toute conflictualité, une conception plus belliciste conteste cette dimension pacificatrice. En renversant la maxime « La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens », en posant que « la politique est la continuation de la guerre par d’autres moyens » et en admettant que le droit n’est que l’exercice d’une politique par certains moyens, il est possible de penser d’une tout autre manière les rapports entre droit et conflictualité.

  • Caroline Muraille est avocate et médiatrice agréée en matière civile et commerciale, sociale et familiale. Elle préside la commission médiation du Barreau de Liège-Huy et exerce la fonction d’ombudsman local d’avocats.be.

Brève exploration d’un modèle de justice basé sur la compréhension où le dialogue est utilisé à d’autres fins que l’argumentation pour permettre la participation active des protagonistes à la recherche de solutions. Mettre en évidence « tous les éléments qui ont contribué » à générer une situation conflictuelle en tenant compte du contexte et sans chercher à isoler le fait unique ou déclencheur permet de se décentrer de la notion de faute et de chercher à atteindre une forme de justice contenant les notions de justesse, d’équité et d’équilibre entre ce qui est donné et reçu. 

Dans nos sociétés contemporaines où les rythmes s’accélèrent et les positions se polarisent, ce modèle incite à prendre le temps de comprendre le moteur du conflit, le sentiment d’injustice, les efforts non reconnus et la complexité des relations afin de laisser aux personnes impliquées le pouvoir d’adopter un accord sage. 

  • Damien Dessard est avocat, spécialiste en droit de la propriété intellectuelle et en droit de la construction, maître de conférences à l'ULiège, médiateur agréé en matière civile et commerciale, avocat collaboratif agréé.

Contrairement aux idées reçues, le choix de la médiation peut s’avérer davantage chronophage que la procédure judiciaire classique. Nous considérons qu’en cas de conflit rencontré par un entrepreneur, ce dernier optera pour la voie la plus rapide. Mais est-ce toujours le cas ?

Derrière la personnalité juridique de l’entreprise – la personne morale – qui est différente de celle de ses actionnaires et ou gestionnaires, se trouvent ces derniers qui sont animés par de nombreux motifs pour poser leurs choix : le temps investi, déléguer ou maitriser son litige, les principes, valeurs et intérêts défendus, la faculté de remise en question, … Nous interrogeons le fait que tous les dossiers ne se prêtent pas à la médiation car il y a peut-être lieu de raisonner en termes de « personnalité » plutôt qu’en termes « d’objet du litige ».

Cédric Danse est maître de conférences et assistant à la faculté de Psychologie, Logopédie et Sciences de l’éducation de l’ULiège, conjointement dans deux services (Unité d'Apprentissage et Formation continue des adultes / Psychologie sociale des groupes et des organisations) et dans un cabinet d'intervenants psychosociaux.

Daniel Faulx est professeur ordinaire à la faculté de Psychologie, Logopédie et Sciences de l’éducation de l’ULiège dans l’unité d’enseignement « Apprentissage et Formation continue des adultes ». Il y assure des enseignements et de la recherche dans les domaines de la formation et de l’intervention psycho-sociale. Il est en outre Vice-Président du Centre de Dynamique des Groupes et d’Analyse Institutionnelle (CDGAI).

Assistons-nous à une transition et à un déficit de régulation dans le fonctionnement des organisations de travail ? Les points de repères ne seraient-ils pas devenus davantage confus et diffus ou, autrement dit, incertains, insécures et complexes ? Et ce, aussi bien au niveau des nouvelles approches managériales, du travail à distance que du rapport qu’entretiennent les jeunes générations à l’activité professionnelle. Serait-ce donc au niveau de cette imprévisibilité et de ces nouvelles tensions que doit désormais se penser le conflit ? Dans tous les cas, les antagonismes émergeants perturbent ce qui, auparavant, était considéré comme stable et « allant de soi ».

Bruno Frère est Directeur de recherches au FNRS et professeur à l’ULiège au sein de la faculté des Sciences sociales pour l’unité « Sociologie et anthropologie ». Il est notamment le coauteur de l’ouvrage « La fabrique de l’émancipation » aux éditions Seuil.

Aujourd'hui, plusieurs lignes conflictuelles s’exacerbent autour des enjeux climatiques et sociaux, lesquels soulignent un certain affaiblissement démocratique. En évoquant quelques éléments centraux dans la pensée de divers sociologues et philosophes, l'idéal démocratique consisterait non pas d'abord à proposer un langage politique aseptisé susceptible de subsumer toutes les lignes de fracture mais à organiser le conflit pour tenir à distance la violence. Quelques cas d'étude peuvent être évoqués - des ZAD à la question des allocataires sociaux - pour réfléchir cette question de la violence et la façon dont on peut craindre un enveniment de la conflictualité sociale. 

Rachel Brahy est Docteure en Sciences politiques et sociales et coordinatrice scientifique de la Maison des Sciences de l'Homme de l’ULiège. Elle est également maître de conférences à la faculté des Sciences sociales de l'ULiège où elle dispense des cours de sociologie.

Didier Vrancken est Doyen de la faculté des Sciences sociales de l’ULiège, Président du Centre de Recherche et d'Intervention Sociologiques et Directeur de la Maison des Sciences de l'Homme de l'ULiège.

Animation par Elise Cleen, Amélie Ritacco et Alicia Léonard, alumni du MIPGC.

Trois ateliers animés en parallèle donneront la possibilité aux participants de débattre autour d’une question centrale découlant des conclusions de la matinée. Dans une dynamique de partage de pratiques autour des conflits, il s’agira de mettre en perspectives les réflexions et les questionnements des membres de l’atelier autour de leur réalité professionnelle.

Informations pratiques 

Accès gratuit - Inscription obligatoire

Lieu

Contact

DATES

Mardi 28 novembre 2023, 08:30 - 16:00